Loi mobilités Coursiers vélo / VTC

Alors que vous conduisez ou pédalez au rythme de vos courses, le Parlement débat de vos conditions de travail. Plus d’encadrement ? Plus de droits ? Les débats sont ouverts. Si vous comptez rester un travailleur indépendant utilisant une plateforme de mise en relation électronique dans les années qui viennent, sachez que votre statut va évoluer. Retour sur l’impact du projet de loi mobilités pour les travailleurs indépendants avec Maître Marie-Elodie Jouanin, avocate au Barreau de Lyon.

Me Marie-Elodie Jouanin

Me Marie-Elodie Jouanin, Avocate en droit social.

Qu’est-ce que la « loi Mobilités » ?

Il s’agit pour l’heure d’un projet de loi, dit « LOM » (loi d’orientation des mobilités), qui a été adopté par l’Assemblée nationale le 18 juin 2019. L’ambition est de réformer en profondeur le cadre général des politiques de mobilités pour améliorer la mobilité au quotidien de tous les Français, notamment en accélérant la croissance et en encadrant de nouvelles mobilités, mais aussi en intégrant un volet environnemental. Il se concentre notamment sur les nouvelles formes de travail qu’ont entraîné les plateformes de mise en relation pour coursiers/chauffeurs indépendants.

Concrètement, on discute de la question du statut des travailleurs liés à ces plateformes. On sait que s’ils sont qualifiés de travailleurs indépendants, la réalité est nettement plus contrastée puisque les coursiers et autres chauffeurs VTC sont souvent à la merci de la plateforme, sans réelle marge de manœuvre concernant leur manière de travailler. La loi mobilités ambitionne d’encadrer les relations entre les plateformes et les travailleurs indépendants.

 

Que propose concrètement ce projet de loi pour les travailleurs indépendants ?

Le but est d’imposer un socle de droits pour les travailleurs indépendants (chauffeurs VTC et coursiers) auquel la plateforme ne pourra déroger, ainsi qu’une charte facultative que la plateforme aura l’opportunité de proposer.

 

Quels seraient ces droits imposés à la plateforme à l’égard des travailleurs indépendants ?

Concrètement, le projet de loi[1] propose :

– le droit à la déconnexion, permettant au travailleur d’être libre d’accepter ou non une course sans pour autant risquer un malus ;

– le droit de connaître le prix minimum d’une course, permettant au travailleur de consentir ou non à proposer ses services contre une rémunération ;

– le droit à la formation, permettant au travailleur de voir alimenté son compte personnel de formation si le chiffre d’affaire réalisé par la plateforme est supérieur à un seuil déterminé.

De plus, le projet de loi souhaite imposer un code de conduite aux plateformes. Alors qu’une loi du 8 août 2016 créait déjà un chapitre du Code du travail applicable aux travailleurs indépendants recourant, dans l’exercice de leur activité professionnelle, à une ou différentes plateformes de mise en relation par voie électronique, le projet de loi souhaite continuer en ce sens. En effet, si le but est d’offrir un socle de droits aux travailleurs, il souhaite compléter l’article L7342-1 du Code du travail qui imposait déjà pour les plateformes une « responsabilité sociale » à l’égard des travailleurs concernés.

Les plateformes sont ainsi invitées à proposer des chartes « déterminant les conditions et modalités d’exercice de [leur] responsabilité sociale », précisant notamment les règles garantissant le caractère non-exclusif de leur relation, ainsi que la liberté pour les travailleurs d’avoir recours à la plateforme, ou encore les conditions de rupture de leur relation et les garanties dont bénéficierait le travailleur le cas échéant.

 

Certaines critiques dénoncent ces mesures et prétendent que cela permettrait aux plateformes de se protéger contre le risque d’une requalification des contrats des auto-entrepreneurs en salarié, qu’en pensez-vous ?

Suite à la requalification récente par les juridictions françaises de chauffeurs VTC ou coursiers à vélo indépendants en salariés, il semblerait que les autorités se soient saisies de la question afin d’éviter de nouveaux abus. En effet, le fait que les plateformes offrent aux personnes désireuses de travailler avec flexibilité la possibilité d’une activité ne doit pas entraîner une diminution de la protection des travailleurs indépendants. Le projet de loi mobilités renforce ainsi le statut des travailleurs indépendants en imposant de nouvelles obligations pour les plateformes avec lesquelles ils travaillent.

Néanmoins, il reste évident que si le lien de subordination nécessaire à la requalification d’un statut de travailleur indépendant en salarié existait bel et bien, la plateforme ne pourrait se couvrir derrière ce texte. Concrètement, si un travailleur indépendant devait subir la subordination d’une plateforme, la requalification resterait possible, avec ou sans ce texte. Mais pour l’heure, le projet de loi n’a pas été définitivement adopté et les débats continuent !

 

[1] Projet de loi d’orientation des mobilités (TRET1821032L), article 20

 

 

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