Représentation difficulté action collective

On avait oublié qu’Erin Brockovitch avait galéré : leçons de l’action collective avortée « Pollution sous Silence »

Le 15 octobre 2018, un scandale sanitaire et environnemental explosait en Île-de-France : un risque de saturnisme inacceptable pour les enfants vivant sur les anciennes plaines d’épandage des eaux usées de Paris, dans les Yvelines et le Val d’Oise.

Les autorités sanitaires étaient au courant depuis plusieurs années, et avaient refusé jusqu’alors de communiquer sur ce risque ou de prendre des mesures de réduction ou de prévention.

V pour Verdict et Maître Rémi DUVERNEUIL proposent alors de lancer une action collective pour les habitants, afin d’obtenir l’ensemble des informations et documents détenus par les autorités publiques sur cette pollution.

Le coût de cette procédure ? 2 € par personne, le prix d’un paquet de (bonnes) chips.

Une démarche (trop ?) innovante, avec un objectif clair : permettre aux habitants dont les propriétés risquaient d’être dévalorisées ou dont les enfants seraient atteints de saturnisme d’être indemnisés à l’avenir.

Or en l’état des documents publiés par les diverses administrations, impossible de déterminer qui savait quoi, depuis quand, et donc d’assigner les (co-)responsables, seuls tenus d’indemniser les victimes.

Après 6 mois de campagne de sensibilisation aux côtés des associations locales, de communication via la presse et les réseaux sociaux, l’action a été clôturée sans avoir réuni le minimum de participants requis…

Un échec TRES instructif, dont nous souhaitons partager les leçons avec tous ceux à qui elles pourraient bénéficier.

 

Leçon 1 : Qui connaît le droit d’accès aux informations environnementales ? Personne !

 

Notre première erreur a manifestement été de sous-estimer la méconnaissance par le grand public du droit d’accès aux informations environnementales.

Cette action avait plus simplement pour objet d’exercer un droit fondamental de toute démocratie, le droit à la transparence.

La flagrance de la rétention d’information exercée par l’administration, la minimisation des données publiées, l’inaction à la suite de cette publication… Nous qui avions parcouru les pièces du dossier étions bien trop convaincus qu’une telle dissimulation questionnerait les citoyens.

Hé bien non… Parce qu’il s’agit d’un sujet technique, mais aussi parce que le grand public ne sait pas qu’il peut exercer son droit d’accès aux informations sur l’environnement détenus par les autorités publiques.

 

Leçon 2 : Pour les citoyens, l’environnement reste le territoire judiciaire des associations

Nous avions pensé que les citoyens seraient intéressés par l’action collective comme mode d’empowerment en matière d’environnement.

En effet, tous les jours, une foule de personnes signe des pétitions en ligne pour protéger la nature, critique les politiques du gouvernement en matière d’environnement, s’insurge face aux pratiques écologiques de certaines entreprises, etc.

Reste que pour l’immense majorité des citoyens, l’action, notamment judiciaire, reste du ressort des associations de protection de l’environnement.

En la matière, cette action nous enseigne que les citoyens préfèrent pour l’heure s’en tenir à un rôle de soutien financier des actions portées par les associations, et ne souhaitent pas être « justicier-justiciable ».

Pour preuve, si les habitants ne se sont pas emparés de l’affaire de pollution des sols en Île-de-France, les associations et acteurs politiques se sont déjà positionnés sur le sujet…

 

Leçon 3 : « Le meilleur de la vie se passe à dire « Il est trop tôt », puis « Il est trop tard » » (Flaubert)

Nous en sommes désormais convaincus : cette première action a été prématurée par rapport au niveau de maturité de l’affaire. Force est de constater que la population locale n’est pas encore réellement et pleinement informée de la pollution, et que le risque de saturnisme reste énigmatique pour la majeure partie des citoyens.

En revanche, nous sommes également convaincus que plus le temps passe, et plus les chances d’obtenir des mesures importantes de réparation et de prévention s’amenuisent.

Les délais de prescription pourraient effectivement avoir commencé à courir avec la publication des premiers documents en octobre 2018, les propriétaires de terrains pourraient être regardés comme ayant été négligents à défaut d’avoir agi à compter de cette date, etc.

De plus, le dépistage systématique des enfants et des femmes enceintes n’ayant pas été mis en place, le temps qui passe risque de laisser silencieusement croître le nombre de victimes atteintes du saturnisme, qui perdent autant d’opportunité de soin…

Et enfin, les terrains pollués identifiés dans les études publiées par les autorités de santé ne figurent toujours pas parmi les secteurs d’information sur les sols (SIS).

Cette pollution risque donc malheureusement de rester sous silence encore (trop) longtemps…

 

Me Elisabeth Gelot et Me Rémi Duverneuil, tous les deux avocats au Barreau de Lyon.

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1 commentaire

  1. […] nous avez également beaucoup appris grâce à toutes ces actions. Notamment comment et pourquoi Erin Brockovitch a eu tant de mal à défendre certaines causes à ses […]

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